TRAVERSER LA PEUR D’ÊTRE ABANDONNER

LA PEUR D’ÊTRE ABANDONNER

La plus petite avancée sur le chemin de solitude peut déclencher la peur panique d’être abandonné, c’est l’indice qu’on l’a déjà été. Bien des parents tombent des nues quand l’enfant devenu adulte, leur révèle un sentiment abyssal d’abandon dans telle ou telle circonstance familial.

A regarder l’omniprésence de la peur de l’abandon, je pense que la majorité des adultes, malgrè leur bonne volonté, leurs bonnes intentions, passe à côté du vécu de leur enfants.

Pourquoi ?

D’une part, ceux-ci n’ont pas de mots pour le décrire et apprennent vite à ne rien montrer; D’autre part, comment les parents le devineraient-ils, y seraient-ils sensibles quand eux mêmes ont étouffé depuis longtemps un vécu similaire. On n’est pas sourd et aveugle à ce que vit son enfant sans être soi même sourd et aveugle à ce qu’on a soi même vécu enfant.

c’est jusque là qu’il nous faut chercher la racine du besoin de fusionner : le manque aujourd’hui est insupportable parce que l’abandon d’hier à été dévastateur.

Dans le pire des cas, on en est « mort » on fera tout pour combler le manque actuel plutôt que d’avoir à revisiter l’abîme que l’on porte en soi

De nombreux couples, familles, amitiés sont ainsi parasités par une peur dont le ou les partenaires, souvent, ne sont pas même conscients. L’angoisse de perdre autrui, de manquer de lui, alimente alors des comportements de possessivité et de dévoration.

Quand on s’en aperçoit et qu’on désir sincèrement sortir de cet emprisonnement, que l’on veut grandir , devenir capable d’assumer ce manque, la tâche parait gigantesque.

D’expérience, je ne crois pas que l’on puisse y arriver seul. Le vertige est tel que l’existence de quelques autres bien différenciés constitue l’unique repère. Eux sont bien là, la relation avec eux tient bon, on peut descendre dans ce vide redoutable qui n’est pas le leur.

Donc au moment même ou l’humain prend conscience de son manque (symboliquement le vide en soi ou encore une côte en moins) arrivequelqu’un qui lui ressemble pour regarder en face le vide et l’assumer. Des semblables nous sont donnés, comme un cadeau du présent, ils nous sont présentés et c’est avec eux  que nous pouvons nommer ce qui nous fait peur.

Cela peut sembler paradoxal mais c’est la présence des autres, à distance, qui nous rend supportable le re(vécu) du manque. Il y a toujours quelqu’un qui est passé par là, qui connait le chemin comparable a notre chemin, c’est un peu comme si l’Amour nous précédait

Comment faisons nous pour pallier à l’angoisse d’abandon par la fusion?

D’abord le besoin incessant d’être rassuré sur la solidité du lien ! On  n’en a jamais assez, de déclarations d’amour, de relations sexuelles, de preuves de communion. Puis besoin qui va souvent avec le premier celui de combler le manque d’autrui.

Nous fusionnons avec notre conjoint, notre amie, notre enfant, notre parent quand nous ne supportons pas qu’il soit seul, livré à lui même, abandonné. Ne s’agit-il pas plutôt de l’abandon qui est au dedans de nous et que nous projetons sur autrui ? Que faisons nous alors ?  Nous dévorons son espace vital par hantise du manque « lâche moi un peu  » dit-il et nous sommes blessés comme s’il rejetait notre amour. Mais en fait c’est peut-être l’occasion d’entendre « occupe toi plutôt de toi-même ! quel vide intérieur fuis-tu ainsi ?

Enfin parlons de la compulsion à se laisser dévorer ainsi. N’est ce pas une autre forme de fusion, donc de dévoration? Nous formons une entité avec la personne qui nous dévore. On appelle souvent cela « amour » on va jusqu’à admirer les couples si unis que chacun est toujours d’accord avec l’autre, aucun ne fait rien sans l’autre, indifférenciés, bloc monolithique parlant invariablement d’une même voix …………qui laisse sans voix, sans vie!

Pour ma part, je me suis laissée dévorée trop longtemps pour ne pas connaître le bénéfice de ma propre dévoration; elle servait à endiguer le raz de marée de l’abandon que je portais sans le savoir. Il arrive aussi que le proche peut fusionner avec les mêmes raisons. Il a réellement peur d’être abandonné et nous ne faisons pas que projeter notre propre peur du manque, cela aussi est une réalité.

Je pense pour ma part avoir beaucoup avancé en constatant la vanité de mes efforts à avoir voulu épargner la souffrance du vide d’autrui. J’ai compris que je ne parviendrais jamais à le sauver de son abandon, malgrè tout l’amour dont j’étais capable .Quand on lâche peu a peu le fantasme de remplir le vide en autrui, cela vaut desormais pour toutes les relations.

« La fiabilité d’une mère, écrit Nicole Jeammet, suppose qu’elle puisse ne pas se sentir détruite, ou simplement mauvaise, par son impuissance à combler ».

A mesure que la paix intérieure gagne du terrain, le fantasme de jadis vient davantage à la lumière de notre esprit!  Personne en définitive ne peut satisfaire pleinement Personne.

Etre définitivement plein, ne plus rien désirer, n’est ce pas la mort ?

La respiration, le souffle d’amour, la seule nourriture capable de répondre toujours à notre manque, dans un mouvement qui  renouvelle constamment le désir d’être rempli

C’est là un cercle éternel qui commence par le même et fini par le même !

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